« Je vais dans mon jardin, je suis bien, je suis sereine. C’est la plénitude. »

Voilà une jardinière que je connais bien et qui m’a beaucoup appris. Cécile, figure des Hautes Huttes, cultive des jardins depuis toujours. « Déjà toutes petites filles on participait au jardin. Maman s’en occupait et papa bêchait. On achetait pas de légumes. C’était comme ça. »

À l’époque on cultivait surtout des légumes qui étaient conservés par lacto-fermentation. Cécile aimait bien les tasser avec ses pieds dans des tonneaux en bois. Au total : 1 tonne de compiche (feuilles vertes du chou), 1 tonne de choucroute et 1 tonne de rutabagas / carottes en mélange. On faisait aussi pousser beaucoup de patates et une sorte de blé noir semé en automne, le Tremsau.

Tout au long de sa vie, Cécile a gardé un lien avec la terre. Son mari Jean est forestier, comme son beau-père qui possédait déjà un grand jardin cultivé et des animaux. « Mon mari avait la passion du jardinage plus que moi et les maisons forestières étaient à l’époque des fermettes. » À Courtavon, on a ramené de la terre pour créer un jardin ». Un jour, quelqu’un lui lance : « On a jamais vu une femme de forestier pousser une brouette ! »

C’est en 1967 qu’elle revient dans la ferme familiale des Hautes Huttes à Orbey. « On a continué le jardin et on a fait un champ de patates. On a eu jusqu’à 150 poules, des vaches et beaucoup de lapins. Jean avait des abeilles. Il disait que c’était le miel qui l’avait sauvé lorsqu’il était prisonnier en Russie ».

Aujourd’hui Cécile jardine pour le plaisir et pour « manger sainement ». « Je n’utilise aucun pesticide ni engrais car on peut avoir de beaux légumes sans tout ça ». Engrais verts (phacélie, moutarde), purin de consoude et vieux fumier de vache lui assurent de belles récoltes : carottes, navets, choux, poireaux, oignons, échalotes, choux-raves, céleris, bettes, courgettes, potimarrons et « toutes sortes de salades ». Elle pratique la rotation des cultures tous les deux ans. Pas besoin de plan car elle fait une photo du jardin dans sa tête ! Quant aux tomates, elles poussent à l’abri dans une serre fabriquée avec d’anciennes fenêtres. Très pratique lorsqu’il faut ouvrir la serre…

Et que dire des fleurs ? Une passion qu’avait déjà sa maman. « Je n’achète pas de fleurs et je fais toutes mes boutures ». Les dahlias et fuchsias sont rentrés en hiver. Les insectes butineurs se régalent de toutes les fleurs semées ou qui se resèment seules comme le généreux et coloré muflier.

Cette jardinière d’une vitalité exceptionnelle avoue qu’elle ne pourrait jamais se passer de ses jardins. « J’y suis tous les jours ». Et même pour cueillir la mâche, elle n’hésite pas à pelleter la neige !

Merci Cécile pour ta belle énergie et tout ce que tu nous transmets !

Souvenirs d’autrefois :

« On allait faner au Lac Blanc. Maman ramenait une salade de chou, de la tisane et des crêpes de cerises. Les crêpes de cerises, j’pouvais plus les piffer ! »

« On ne mangeait pas tant de viande que ça si ce n’est un pot-au-feu le dimanche. Maman passait la viande dans l’eau vinaigrée avant de la cuisiner. »

« Les gens refaisaient leurs semences de patates et semaient à la houe. Il en fallait beaucoup pour les cochons ».

« Le cheval c’était notre tracteur. On lui faisait manger un mélange de paille hachée, de son, de petit lait et d’eau chaude ».

« Papa avait fait un gros trou dans le jardin qui était rempli de paille. C’est ainsi qu’on conservait les légumes ».

Photos FJ / été – automne 2015